Volonté manifeste de convoquer l’esprit des J-RPG d’antan, Final Fantasy VI ou les SaGa en ligne de mire, Octopath Traveler premier du nom avait surtout marqué par
son style visuel HD-2D et son incroyable bande-son. Il trébuchait en revanche sur son écriture et sa structure, loin de laisser le joueur s'immerger dans une aventure somme toute oubliable. Et c’est bien ce point précis que tente de corriger cette suite, avec toutefois une certaine paresse.
Dans le monde de Celestia, malgré de beaux panoramas et des grandes étendues bucoliques, tout n’est pas vraiment paisible. Aux quatre coins du monde sévissent injustices et menaces séculaires, intimement liées à huit personnages engrainés par le destin : Agnea, Partitio, Hikari, Osvald, Throne, Temenos, Castti, et Ochette. Tout un groupe dont les premières lettres forment - à l’image du premier épisode - le terme OCTOPATH et qui va devoir comprendre la cause commune qui les unit au fil de leurs aventures. Suivant aveuglément le concept de son grand frère, Octopath Traveler II permet de sélectionner un premier protagoniste, qui vous accompagnera donc les premières heures, bientôt rejoint par les frères et sœurs d’armes trouvé(e)s en chemin. Plusieurs options s’avèrent alors disponibles, soit participer au premier chapitre de votre nouvel allié, soit l'intégrer dans l’équipe et découvrir son histoire plus tard, au détour d’une visite dans une auberge. Peu importe le choix effectué, il ne sera jamais trop tard pour prendre part aux destins de chacun des personnages, à condition d’accepter de faire une croix sur certaines compétences potentiellement utiles qu'ils détiennent. C’est de fait une progression à la carte que propose le jeu de Square Enix, liberté grisante, mais avec des limites évidentes. Ne serait-ce que dans la structure narrative, une nouvelle fois en berne.
Vieille branche
C’était l’un des soucis majeurs du premier Octopath Traveler, il ne parvenait jamais à donner le sentiment de suivre les chemins croisés d’une équipe soudée. Quelques courts échanges entre plusieurs membres tentaient de simuler une certaine curiosité de se connaître, mais rien n’allait dans le sens d’une camaraderie. Rien ne laissait deviner l’influence de la quête de l’un des héros sur celle d’un de ses compagnons. Bien conscient de cette lacune, la team Asano a tenté d’améliorer la formule par le truchement d’un principe nommé “histoires croisées”, scénarios communs déclenchés en fonction de la présence de tel ou tel membre dans l’équipe simultanément. Une excellente manière de donner davantage de sens à l’idée de vies multiples pensées pour aller dans une direction similaire, mais qui ne convainc encore une fois pas vraiment. La faute à un déficit d’écriture et de construction des personnages dans leurs rapports avec leurs collègues d'infortune. Malgré une volonté de favoriser l’interaction, la démarche sonne creux car elle ne fait à aucun moment naître de synergie émotionnelle. Certes, les deux intervenants vivent une mission ensemble, mais cela n’a pas d’impact visible sur leur relation. A la différence d’un Xenoblade Chronicles 3 par exemple où les moments de repos permettent d’exposer l’évolution des liens entre les personnages, il n’existe rien de tel dans Octopath Traveler II. Et si chacun des destins se montre bien mieux narré que dans le précédent opus, par l’intermédiaire de protagonistes plus attachants, le jeu peine à raconter son histoire globale. D’autant que la progression n’aide pas non plus à s’immerger dans le récit.
Exploration de secours
Là aussi, le RPG de Square avance timidement sur la voie du changement, avec un seul ajout, à savoir une petite barque qui permet d’emprunter quelques cours d’eau afin de favoriser l’exploration. Ce qui ne règle en rien le souci des zones de balade et des donjons dénués de toutes mécaniques. Simples décors, magnifiques certes, ces lieux prennent la forme de passages entre deux villages, très rarement agrémentés de composantes ludiques et plutôt chiches en zones dissimulées. Un appel à l’aventure un peu édulcoré qui retrouve de la couleur lors des combats, véritables décharges d’adrénaline dans l’exploration morne. Elégant est le qualificatif qui s’applique aux rixes d’Octopath Traveler II, tant elles regorgent de possibilités différentes sous un enrobage faussement simple.
En effet, si le tout se révèle très accessible avec son tour par tour hérité des productions 16 bits des années 90, la richesse des capacités uniques de l’ensemble du casting autorise là aussi une grande liberté. Notamment dans les diverses expérimentations de symbiose entre les différents “types” de combattants. Des compétences bien pensées, aussi efficientes lorsque les protagonistes doivent combattre seul dans leur chapitre initial que dans le cadre de la lutte aux côtés de leurs compagnons. Mieux, ces attaques spécifiques peuvent se combiner avec celles d’un job secondaire (qu’il est d’ailleurs possible de changer à n’importe quel moment - hors combat), afin de créer des guerrier(e)s polyvalent(e)s à même de s’adapter aux dispositions des ennemis, souvent panachées. Car oui, il est une nouvelle fois question d’abaisser la résistance des adversaires en fonction de leur faiblesse à tel ou tel type d’armes ou de magie élémentaire. Et autant être prêt à parer à toutes les éventualités. Enfin, il faut noter l’arrivée d’un statut spécial, qui se déclenche une fois une jauge affiliée remplie, permettant d’accéder soit à un coup spécial, soit à une version boostée d’une ou plusieurs compétences en fonction des personnages.
Le combat en brèche
Toujours efficace et donc articulé avec talent, ce système de combat reste lui aussi sur un certain statu quo, à l’image de l’ensemble de l’expérience. Si les actions contextuelles des protagonistes ont changé, elles s’utilisent toujours de la même façon ; si les rôles de chacun sont inédits, ils reposent sur des mécaniques similaires à une bonne partie de ceux du premier épisode, bref, Octopath Traveler II avance à tout petit pas. On pourra mettre en avant la présence également d’un cycle jour/nuit qui modifie certains talents et capacités en fonction de l’heure de la journée et fait apparaître des PNJ différents. Mais cette idée, intéressante dans un souci de variété des situations, s’avère déjà maintes fois vue. Et c’est le sentiment que donne le jeu de Square, celui d’un produit raffiné, ciselé, mais qui stagne dans un confort indolent, bien calé dans ses pantoufles de titre visuellement et musicalement superbe. Sans jamais passer un mauvais moment devant cet hommage glorieux aux anciens J-RPG, loin de là, il est tout de même régulier d’avoir le sentiment tenace de jouer à un DLC de luxe du premier opus, doublé de la déception - réelle - de voir que la narration et la progression éclatée posent toujours problème. Reste une aventure au long cours agréable et ponctuée de beaux moments, mais qui ne sait désespérément pas où trouver la fougue nécessaire pour surnager.